2011
Déserts by Edgard Varèse was first performed at the Théâtre des Champs-Élysées in Paris, on December 2, 1954. This concert has gone down in history as one of the greatest scandals in XXth century avant-garde music, as the audience rioted during the performance. Socio-historical context surely played a role, as France was still under the Fourth Republic, marked by its policy of “cultural democratization”. This concert was part of the National Orchestra’s “Tuesdays” (in fact, as it was to be broadcast live, it took place exceptionally on a Thursday), which were free and as a result attracted a wide audience not necessarily used to musical experimentation such as this. The concert was conducted by Hermann Scherchen, assisted for the occasion by Pierre Henry, who was in charge of the electro-acoustic device. It presented pieces from the classical repertoire – Mozart’sGrand Overture in B flat and Tchaikovsky’s Symphony No. 6 (“Pathétique”) – and a work that confronted acoustic and “organized” sounds in an innovative way.
During the performance, people reacted noisily, and at the same time, another “music” emerged in counterpoint, improvised, developing in a more or less undecided – if not indeterminate – way, and at irregular intervals. Listening to the recording, the protests literally compete with Varèse’s music, developing a new and particularly complex musical form, a succession and intertwining of murmurs, muted mutterings, and sudden and untimely waves of boisterous disapproval. But behind the rejection, one can maybe also discover, in this other music, the intrinsic link between noise and democracy.
This disc presents this other sonic manifestation, the one performed by the audience. In a certain way, I have followed the logic of retrenchment that underpins Varèse’s initial work. Edgard Varèse’s Déserts is a mixed composition, structured in four instrumental movements, to which three electronic interpolations are added, which interrupt the instrumental development. During these interpolations, the orchestral sound fades away to give way to the recorded sounds. In (Déserts), I have simply extended this process, erasing Varèse’s piece to let a new type of recorded “interpolation” appear: the anonymous noise of the audience.
Recorded on December 2, 1954, in Paris. Edited on April 4, 2009, in Paris.
Déserts d’Egard Varèse fut créé au Théâtre des Champs-Elysées à Paris, le 2 décembre 1954. Ce concert est resté dans les mémoires comme l’un des grands scandales de l’histoire de la musique avant-garde du XXe siècle, donnant lieu à une véritable révolte de la part du public. Le contexte sociohistorique n’y fut sans doute pas étranger. L’époque était alors celle en France de la Quatrième République, marquée du point de vue de la culture par la politique dite de « démocratisation culturelle » : le concert était gratuit, dirigé par un célèbre chef d’orchestre, Hermann Scherchen – accompagné pour l’occasion par Pierre Henry au pupitre des commandes électro-acoustiques – et s’inscrivait dans la programmation des « mardis » du National (se déroulant exceptionnellement un jeudi pour les besoins de la retransmission en direct). Il tentait en outre d’articuler des pièces issues du répertoire classique (en l’occurrence la Grande ouverture en si bémol de Mozart et la Symphonie Pathétique de Tchaïkovski) et une œuvre novatrice dans sa confrontation de sons acoustiques et de « sons organisés ». En raison de leur gratuité et de leur cadre, ces concerts accueillaient généralement un public nombreux, non nécessairement coutumier des expérimentations musicales.
Lors de cette interprétation, le public réagit bruyamment à la musique, mais dans le même temps une autre « musique », improvisée celle-ci, émergeait en contrepoint, se développant de manière plus ou moins indécise, sinon indéterminée, et à intervalles irréguliers. A l’écoute de l’enregistrement, les protestations du public rivalisent littéralement avec la musique de Varèse, dessinant, dans leur propre effectivité, une autre forme musicale, particulièrement complexe, où se succèdent et s’entremêlent des heurts violents, des murmures et une rumeur sourde, de brusques surgissements intempestifs et des vagues houleuses de désapprobation. Mais peut-être qu’en deçà du désaveu, pointe également dans cette autre musique le lien intrinsèque qui existe entre bruit et démocratie.
C’est cette autre manifestation sonore, performée par le public, que ce disque se propose de donner à l’écoute. Pour cela, j’ai en quelque sorte poursuivi la logique de retranchement qui sous-tend la pièce initiale de Varèse. Déserts est une œuvre mixte, qui est structurée en 4 mouvements instrumentaux, auxquels s’ajoutent 3 interpolations électroniques qui viennent interrompre le développement instrumental. Durant ces interpolations, les sons de l’orchestre s’effacent pour laisser place aux sons enregistrés. Dans (Déserts), j’ai simplement continué cet effacement, éclipsant la pièce de Varèse pour laisser apparaître un autre type d’« interpolations » enregistrées : le bruit anonyme du public.
Enregistré le 2 décembre 1954, Paris. Edité le 4 avril 2009, Paris. Durée : 27’10’’